Manuel Mujica Lainez
Manuel Mujica Lainez
D’aussi longtemps que je m’en souvienne, Manuel Francisco Yglesias, faisait partie de la galerie Witcomb. J’étais très jeune quand il est entré dans la maison. Manolo avait alors 14 ans. Durant une longue période, je l’ai vu un nombre incalculable de fois dans les grandes salles et les bureaux accueillants de la rue Florida, toujours avenant, serviable, un mot aimable pour chacun et prenant l’initiative.
Si grande était sa discrétion, si subtile sa manière de ne pas s’imposer, que beaucoup ignoraient ses remarquables qualités. Il avait suivi des études à l’Académie Nationale des Beaux-arts et, petit à petit, il est apparu comme un peintre et dessinateur de grande valeur. Il se distinguait surtout comme dessinateur, et dans cette spécialité, comme portraitiste talentueux et de grande pénétration psychologique.
Yglesias a réalisé 18 expositions individuelles dans de nombreuses galeries privées. Il également exposé dans différents salons officiels de Paris et a présenté ses œuvres au Salon National argentin. De multiples œuvres figurent aujourd’hui dans des musées argentins ainsi qu’à la Cour Suprême argentine. Parmi ces expositions, une partie a eu lieu à la galerie Witcomb, dont il était membre mais aussi Directeur général.
Son décès, le 10 août 1969 à Adrogué a eu une grande répercussion sur la maison qui a abrité depuis son enfance ses rêves et progrès. Il y comptait de nombreux amis qui se réunissaient l’après-midi en des débats animés pour évoquer artistes et œuvres. Il donnait des avis simples et justes aussi bien sur les mouvements esthétiques du passé que sur l’actualité artistique de l’époque, étayés par de solides lectures et informations.
Ce n’est pas seulement un témoin mais un acteur d’épisodes mémorables qui a disparu. La culture de Manuel Francisco Yglesias était grande et il la partageait sans compter. Une forme de pudeur, de timidité, inséparable de son être, lui interdisait de s’exprimer avec plus d’emphase mais on sentait sa présence proche, comme un soutien. Celle-ci comme ses compositions était faite de sérénité objective.
Manolo avait préparé l’exposition qui est inaugurée aujourd’hui. Il avait lui-même élaboré son catalogue. La mort l’a surpris alors qu’il dormait. Jusqu’à la fin Yglesias est resté fidèle à sa manière d’être. Il nous a laissé le souvenir de la réserve et la pudeur qui marquaient chacun de ses gestes. Les douloureuses circonstances évoquées transforment son exposition en hommage posthume. La Galerie Witcomb et les personnes appréciant ses innombrables qualités s’associent pour rendre hommage à ce fidèle compagnon.
Manuel Mujica Lainez
Manuel Mujica Lainez